Le 1er mai est un jour à double entrée, il fête le travail dans une journée de non travail . Ce paradoxe résonne encore cruellement aujourd’hui . L’année dernière la fête avait pour décor une France où plus d’un salarié sur 2 était au chômage partiel ou total en raison de l’épidémie qui nous encerclait . Que se souhaiter pour ce nouveau 1er mai historique ? le meilleur, le bonheur … ? Mais que représente ce pauvre mot misérable ? Comment s’y prendre pour « arracher avec ses dents un petit bout de bonheur » comme Antigone , alors que le monde entier peine encore à trouver son souffle ?
Chacun y va de sa recette – post -confinement et souvent très confusément . C’est parfois drôle, pathétiquement creux, ou plutôt lumineux …Pour se mettre en chemin, sans doute nous faut-il respecter une plongée dans l’ombre. L’ombre et le silence de nos peurs, de nos questionnements intérieurs – et le moment venu, rallumer la lumière et puiser dans des textes ayant traversé les siècles et les épidémies de tous temps; ainsi irons-nous vers une sortie de confinement heureuse .

Le 1er mai 1881 Pierre Teilhard de Chardin nait au Château de Sarcenat en Auvergne. Le 10 avril 1955, jour de Pâques, il meurt à New York. Entre ces 2 dates, une trajectoire hors du commun pour celui qui fut prêtre , chercheur, paléontologue, théologien et philosophe .
» Des monts d’Auvergne aux gratte-ciel new-yorkais, des tranchées de la Première Guerre mondiale à la Chine occupée par les Japonais, des falaises anglaises aux rives de la Mer Rouge, des forêts d’Asie aux collines d’Afrique du Sud, ce jésuite n’avait rien ignoré de ce qui était humain. » écrit Jacques Arnould dans la préface de son livre “Teilhard de Chardin”.
Parmi de nombreux ouvrages, comme un brin de muguet, un air de fête, un secret murmuré à l’oreille, voici en 3 points un extrait de Sur le bonheur pour, écrit Theillard , « le discerner et y adhérer » puisque » tel est, au bout du compte, le grand secret du bonheur. »
MD

Pour être heureux, premièrement, il faut réagir contre la tendance au moindre effort qui nous porte, ou bien à rester sur place, ou bien à chercher de préférence dans l’agitation extérieure le renouvellement de nos vies. Dans les riches et tangibles réalités matérielles qui nous entourent il faut sans doute que nous poussions des racines profondes. Mais c’est dans le travail de notre perfection intérieure, – intellectuelle, artistique, morale –, que pour finir le bonheur nous attend. La chose la plus importante dans la vie, disait Nansen , c’est se trouver soi-même. L’esprit laborieusement construit à travers et au-delà de la matière – Centration.
Pour être heureux, il faut réagir contre l’égoïsme qui nous pousse, ou bien à nous fermer en nous-mêmes, ou bien à réduire les autres sous notre domination. Il y a une façon d’aimer, – mauvaise, stérile –, par laquelle nous cherchons à posséder, au lieu de nous donner. Et c’est ici que reparaît, dans le cas du couple ou du groupe, la loi du plus grand effort qui déjà réglait la course intérieure de notre développement. Le seul amour vraiment béatifiant est celui qui s’exprime par un progrès spirituel réalisé en commun. – Décentration.
Et pour être heureux, – tout à fait heureux, troisièmement – il nous faut, d’une manière ou de l’autre, indirectement ou à la faveur d’intermédiaires graduellement élargis (une recherche, une entreprise, une cause…) transporter l’intérêt final de nos existences dans la marche et le succès du Monde autour de nous. Comme les Curie, comme Termier, comme Nansen, comme les premiers aviateurs, comme tous les pionniers dont je vous parlais plus haut, il faut, pour atteindre la zone des grandes joies stables, que nous transférions le pôle de notre existence dans le plus grand que nous. Ce qui ne suppose pas, rassurez-vous, que nous devions pour être heureux faire des actions remarquables, extraordinaires, mais seulement, ce qui est à la portée de tous, que, devenus conscients de notre solidarité vivante avec une grande Chose, nous fassions grandement la moindre des choses. Ajouter un seul point, si petit soit-il, à la magnifique broderie de la Vie ; discerner l’Immense qui se fait et qui nous attire au cœur et au terme de nos activités infimes ; le discerner et y adhérer : – tel est, au bout du compte, le grand secret du bonheur… – Surcentration.
MD
Merci. Très bel article!
Merci 🙏 de votre soutien