Une infinité de rouges se répondent sans jamais s’étouffer. Les délicats pétales rosés du cognassier se détachent du mur ocre rouge. Ces pétales chauds et poudrés, sont aussi légers que le fond est dense.
La couleur est matière. La couleur est lumière.
Dans le vase, une pointe de mauve et un brun violacé, un Brun Van Dyck. Un peu de lichen jaune fait écho aux pistils, l’ensemble vibre. Les pousses jeunes portent en elles un brin de moutarde. Teinte que l’on peut imaginer dans le fond brique. Le centre de l’image est plus terracotta, l’air circule.
Si je devais peindre ces fleurs, je n’utiliserais pas un brun préfabriqué, je prendrais une pointe de ce rouge légèrement rosé que je mêlerais à d’autres teintes… un vert, un violet, pas de noir ni de brun sortis du tube.
Nul besoin de beaucoup de pots de peintures pour en créer une infinité. Chez Hermès à l’époque, nous utilisions une trentaine de couleurs de base pour fabriquer environ 70000 nuances. Ainsi formée, j’ai pris l’habitude de créer mes propres couleurs. Ma palette en est de ce fait toute simple. La seule réelle différence, les coloristes d’Hermès utilisent des noirs et des bruns préfabriqués.
Monet lui avait une palette encore plus restreinte que la mienne. Par chance, nous en avons le détail dans un courrier qu’il adresse au fils Durand-Ruel, le 3 juin 1905 :
« Quant aux couleurs que j’emploie, est-ce si intéressant que cela ? Je ne le pense pas, attendu que l’on peut faire plus lumineux et mieux avec une toute autre palette. Le grand point est de savoir se servir des couleurs, dont le choix n’est en somme qu’affaire d’habitude.
Bref, je me sers de
blanc d’argent,
jaune cadmium,
vermillon,
garance foncée,
bleu de cobalt,
vert émeraude, et c’est tout. »
… Et c’est tout… simple, sobre et humble. Un homme qui goûte la couleur.
Re-Belles Productions 